Il y a quelques mois, j’ouvrais la rubrique témoignage sur la phobie scolaire, donnant ainsi à mes lecteurs la possibilité de raconter leur histoire. Marine Dujardin nous a fait l’honneur de l’inaugurer en nous narrant son parcours fait de volonté et de détermination.
Puis Jennifer Gressier m’a contactée, nous avons échangé et elle nous livre aujourd’hui son histoire.
Parce qu’elle est trop modeste pour l’écrire, je le fais à sa place, elle vient d’obtenir son BTS avec quasiment 15 de moyenne générale .
Alors félicitations Jennifer pour cette très belle réussite qui signe non seulement la fin d’une phobie scolaire, mais qui ouvre surtout les portes d’un avenir plein d’espoir, pour toi et pour tous les autres.
Merci Jennifer pour ton témoignage.
Témoignage sur la phobie scolaire par Jennifer Gressier
Jennifer Gressier
La descente aux enfers…
Les années de collège sont censées être le début de l’indépendance et de la découverte. Pour moi, elles se sont transformées en cauchemar.
Tout a commencé à la suite d’une histoire d’amour destructrice. Malgré notre jeune âge, les violences verbales et physiques m’ont conduite lentement dans une profonde dépression et une angoisse permanente.
En septembre 2015, sous le regard de tous, j’ai commencé à m’éteindre, ne plus rire, me laisser envahir par une souffrance et du stress omniprésents. Plus le temps avançait, plus je me dégradais et plus je me laissais bouffer par cette peur. Tout était devenu situation d’angoisse, le regard des autres, la peur du jugement, le sentiment d’échouer en permanence, de ne pas réussir. Je ne voulais pas qu’on me voie, je ne m’en sentais plus capable.
Dès qu’il était question d’école, toutes mes peurs se regroupaient. Les crises d’angoisse, les vertiges, les malaises, les larmes, les chutes, la tétanie, les vomissements m’envahissaient. Chaque jour devenait un combat, je ne pouvais plus faire une journée entière d’école, j’allais quotidiennement à l’infirmerie, car je m’étais effondrée, j’avais vomi ou encore, parce que je n’arrivais plus à respirer.
Plus les symptômes augmentaient, plus j’avais honte et moins je voulais qu’on me voie, je continuais à me renfermer sur moi.
Alors que ma CPE et l’infirmière ne me comprenaient pas, m’obligeaient à continuer peu importe mon état, me faisaient traîner dans les couloirs pour retourner en classe, refusaient d’appeler mes parents, certains professeurs, certains surveillants et ma proviseur décidèrent de m’accompagner et de tout faire pour que je réussisse mon année.
En février 2016, je n’en pouvais plus, mes parents et ma sœur souffraient de cette situation. La phobie scolaire était trop présente, je commençais même à souffrir d’agoraphobie. Nous prenons la décision en accord avec mon médecin et ma psychologue d’arrêter d’aller à l’école. Je devais me préserver, prendre des médicaments et me soigner pour réussir à sortir la tête de l’eau un jour.
Ma seule chance ?
Mes parents, mon amie d’enfance Marine, ma psychologue et ma proviseure ! Ils m’ont soutenue, ils ont trouvé des solutions en fonction de mon état et de mes capacités. Grâce à eux, j’ai eu un suivi scolaire (photocopies des cours, passage d’évaluation à distance, accompagnement psychologique…).
Malheureusement, malgré la mise en place d’aménagements, je n’ai pas réussi à passer mon brevet… C’était trop dur pour moi, la phobie scolaire et l’agoraphobie ne me permettaient pas de passer ce cap et de m’approcher du collège. Mais grâce à mes notes de l’année, j’ai pu valider mon passage en seconde générale.
Une nouvelle page m’attendait…
Remettre le pied à l’étrier
L’été n’avait pas été facile, mais j’avais progressé, la dépression et l’agoraphobie diminuaient, je commençais à mieux gérer les crises de panique et les chutes. Bien que tétanisée quand le stress était trop présent, je commençais à arriver à anticiper mes réactions et mes parents également.
Quelques jours avant la rentrée, le stress rythmait à nouveau mon quotidien. Je savais que je devrais retourner à l’école notamment pour mon inscription.
Celle-ci s’est révélée être catastrophique. J’ai fait une crise de panique en plein lycée, impossible de me calmer. J’ai dû repartir quasi immédiatement avec ma mère après avoir rapidement échangé avec la CPE qui devait me suivre cette année-là, sur mes difficultés et ce que cela allait engendrer pour ma seconde.
Je n’avais pas trouvé la force de faire la rentrée en septembre. Il fallait donc trouver une solution, je n’arrivais pas à aller à l’école, le temps passait, je perdais une année. Mes parents ont donc rempli des multitudes de dossiers (mesure MDPH, dossiers CMP, CATTP…). Grâce à ma mesure MDPH j’ai réussi à obtenir le CNED pour 4 matières principales. Après 6 mois de refus catégoriques de me rendre à l’école, d’essais infructueux, d’énormes crises d’angoisse, grâce au soutien de mes proches et des discussions avec des élèves de ma classe, j’ai finalement réussi à passer le cap. J’ai réussi à assister quelques minutes de mon premier cours d’anglais plus d’un an après ma déscolarisation. Petit à petit, très doucement, j’ai réussi à faire 1h, puis 2h, dans la semaine pour finalement atteindre 4h, à la fin de l’année grâce à l’espagnol et l’histoire-géographie en plus de l’anglais.
J’ai réussi à valider mon année de seconde pour passer en première scientifique. La condition ? Augmenter mon nombre d’heures de présence au lycée et notamment pour les matières principales. Je suis donc passée de 3h, en moyenne à 7h, par semaine avec les mathématiques, la SVT et la physique chimie. De plus, j’avais des rendez-vous individuels hebdomadaires avec la professeur de français de ma classe pour préparer ensemble et seule mon bac de français. Je suivais donc les langues et l’histoire-géographie au CNED. J’étais énormément absente, je n’arrivais pas à me lever ou à assurer ces quelques heures qui me paraissaient interminables.
Pour mon année de terminale, j’avais encore augmenté les heures. Je participais au cours de mathématiques, SVT, physique-chimie, philosophie, soit 13h, par semaine. Mais les notes ne suivaient pas. Je n’arrivais pas à gérer mon stress, mes émotions, suivre les cours, faire mes devoirs, mes fiches pour le bac, suivre mes cours au CNED. La fatigue était encore trop présente, je dépensais trop d’énergie à l’école. Je n’ai donc pas réussi à obtenir mon baccalauréat scientifique. J’espérais tellement y être arrivée, me débarrasser de ce poids-là, ne pas avoir honte d’avoir échoué une nouvelle fois. La chute a été violente à nouveau, je ne voulais voir personne, j’étais désespérée et je devais pourtant me retourner très vite pour m’inscrire pour repasser mon bac l’année d’après.
Je devais me réorienter, car mes notes n’étaient pas bonnes, elles ne me permettaient pas de faire une nouvelle année. J’ai donc choisi de changer de filière pour être plus proche de mon projet d’intégrer un BTS NDRC. Je me suis donc inscrite en STMG, mais je devais attendre une affectation, car je n’étais pas prioritaire. Pour moi, pas d’autres solutions envisageables que de repartir dans le même lycée. Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme prévu.
Quelques jours avant la rentrée, j’ai contacté mon lycée pour avoir des nouvelles, il n’y avait plus de place pour moi. Je devais donc intégrer un autre lycée et recommencer à m’adapter à un nouvel environnement, de nouvelles règles et personnes. J’ai finalement accepté de me rendre dans ce lycée pour la rentrée.
Très angoissée, perdue, j’ai dû dépasser mes limites pour entrer dans l’établissement, dans la classe, restée assise avec ces inconnus qui ne connaissaient rien de ma situation et qui n’étaient donc pas prêts à m’accompagner dans ce processus. Les regards des élèves qui se connaissaient tous, les remarques des professeurs sur “ma scolarité au CNED” ont eu un effet dévastateur. J’ai quitté l’école dès midi pour ne plus jamais y remettre un pied malgré les démarches tardives que souhaitait mettre en place la proviseure adjointe. Je ne pouvais y retourner, j’allais m’effondrer à nouveau et je ne l’aurais pas supporté.
J’ai donc supplié mon ancien lycée lors de passages improvisés ou sur RDV, par des appels, des courriers, de me reprendre … mais rien n’y faisait. Je ne pouvais pas rester comme ça, sans rien alors que je voulais m’en sortir. J’ai donc remué ciel et terre : J’ai harcelé le rectorat, rencontré le médecin scolaire pour obtenir un certificat qui justifie la nécessité de repartir dans mon ancien établissement, j’ai téléphoné à l’Elysée. Je devais y arriver même si rien ne me laissait croire que j’y arriverais.
Grâce à mes camarades, j’ai appris qu’un élève ne se présentait plus au lycée depuis quelques semaines. J’ai donc contacté cette personne sur les réseaux sociaux pour lui demander pourquoi il n’allait plus à l’école et s’il allait y retourner. Sa réponse était sans équivoque, il ne souhaitait plus y aller, il avait intégré une nouvelle formation. Après quelques semaines à avertir l’ensemble des personnes qui pouvaient me faire intégrer cette formation, à les supplier et à les appeler au quotidien, j’ai reçu un appel, le jour des vacances de la Toussaint. J’avais 15 jours pour me préparer à intégrer mon lycée en STMG dans la spécialité que j’avais choisie….
Ma revanche
Je m’étais battue pour repartir à l’école et je savais que je ne pourrais plus faire machine arrière. Je devais me battre et arriver à suivre une scolarité quotidienne. Plus de CNED et plus d’absence, c’était ma nouvelle mission. Avec de la volonté, de la détermination et du soutien, j’ai fini par y arriver. J’allais en classe comme chaque élève, je me levais chaque matin non pas sans difficulté, mais mon envie de me dépasser était plus forte. Grâce à certains de mes professeurs, mes amies Camille et Leslie qui étaient dans ma classe et qui m’ont toujours soutenue et accompagnée, j’ai pu suivre et survivre à cette année-là. J’ai même obtenu mon bac en contrôle continu (année covid) avec mention assez bien. Certains diront peut-être qu’en contrôle continu, j’avais plus de chance, mais pour moi, c’était bien plus qu’une victoire. J’avais repris ma scolarité complètement, je pouvais passer en étude supérieure et découvrir une nouvelle vie.
Pour ma poursuite d’étude, j’ai choisi les Ecoles Billières à Toulouse qui étaient un endroit où je me sentais à ma place.
Lors de mon premier entretien, je me suis sentie en confiance à l’école, je n’avais pas eu ce sentiment depuis bien des années. J’ai rencontré la chargée de recrutement qui a été un nouvel élément déclencheur pour moi. Elle m’a demandé qui j’étais et j’ai bien sûr commencé par me décrire comme une élève en phobie scolaire. Elle m’a tout de suite rassurée et a voulu connaître Jennifer et pas ma phobie. J’ai donc pu me livrer et décrire ce que j’avais envie de devenir.
J’ai intégré cette école en alternance après des semaines de recherches infructueuses, d’échecs un peu à l’image de mon parcours, mais j’ai fini par réussir.
Dans cette école à taille humaine, je me suis redécouverte. D’un côté auprès des élèves qui m’ont entourée pendant 2 ans. Bien que certains soient turbulents et fatigants, j’ai réussi à créer des liens avec d’autres étudiants. Mais également grâce à l’équipe administrative de l’école et de mes professeurs notamment de matières professionnelles qui m’ont permis de reprendre confiance en moi principalement sur mon potentiel de réussite scolaire.
Mes 2 ans d’alternances dans 2 entreprises différentes m’ont aussi démontré que j’aime travailler, j’aime le contact avec les gens, avec mes clients. Aujourd’hui, je suis commerciale, je gère un grand secteur toute seule et je me sens à l’aise pour mener de front mon travail et l’école.
J’ai décidé de poursuivre mes études, en intégrant en septembre un Bachelor (bac +3) Responsable Marketing Commerce et expérience Client et pourquoi pas un Master dans 1 an ?
Épilogue…
Pendant ces années de phobie, j’ai dû lutter au quotidien avec mon corps et ma tête pour faire le maximum de ce que je pouvais. A la maison ou à l’école, les chutes dans les couloirs où je me retrouvais tétanisée, avec des douleurs et oppressions dans tout le corps à être obligée de dormir pour récupérer, devoir respirer dans une poche car je faisais de l’hyperventilation, essayer d’appeler mes parents aux secours avec mon téléphone mais être incapable de parler, d’écouter, de bouger… Ces maux bien que déclenchés par mon mental étaient présents et étaient un véritable cauchemar au quotidien. Il fallait réussir à les supporter pour essayer de vivre.
Aujourd’hui ça fait 7 ans que mon calvaire a commencé, grâce à mon entourage et à ma détermination, j’y suis arrivée. Je n’ai plus de maux, je n’ai plus peur, j’ai envie de continuer à me battre pour toujours dépasser mes limites et atteindre mes objectifs.
Je tiens à remercier du plus profond de mon cœur de nombreuses personnes qui ont fait partie de mon sauvetage et de ma reconstruction:
- Mes parents qui se sont battus pour eux, pour nous, pour moi, pour me permettre de me reconstruire, d’aller de l’avant, d’être là où j’en suis aujourd’hui. Ils ont accepté de lâcher prise et de m’écouter pour me sauver malgré le regard des gens, les critiques qu’ils ont subies et les dégâts familiaux que cela a pu causer.
- Ma famille et mes amis qui malgré leur incompréhension m’ont aidée et soutenue comme ils ont pu.
- Mme ARMAND (ma psychologue) qui m’a accompagnée dans l’ensemble de mes difficultés et les différentes étapes de ma reconstruction.
- Mme JEAN (principale du collège) qui m’a écoutée, comprise, soutenue et qui a accompagné mes parents pour réaliser le meilleur aménagement de scolarité possible pour ma dernière année de collège.
- Mme MEZAILLES (professeur d’anglais au collège) qui a été une de mes plus belles rencontres dans le corps professoral. Elle ne m’a jamais jugée, elle a été constamment bienveillante et compréhensive à mes besoins/envies, elle a toujours gardé contact avec moi jusqu’à me rendre visite quand j’étais au plus mal.
- Stéphanie, Virgile, Carole (surveillants du collège) et mes autres professeurs du collège qui m’ont soutenue à distance et physiquement lorsque j’en avais besoin au sein de l’établissement.
- Mme TUR, M. PORTRAIT, Mme. BENAZET, M. ROUZES, Mme de GUILHERMIER, Mme BARRAGAN, M. CANO (professeurs au lycée) qui m’ont accompagnée chacun à leur façon pour me faciliter mes années lycées et le stress que cela engendré chez moi d’assister aux cours bien que les leurs ont été les plus faciles pour moi au vu de leur implication.
- Mme ROUQUET (proviseure adjointe au lycée) qui a toujours pris le temps de comprendre mes besoins pour adapter au mieux mes aménagements et mon quotidien.
- Mme PICCOLO, M. BUONOMANO, M. SARRION, Mme. LE JAOUAN, M. PIQUE et son équipe administrative (Ecoles Billières) qui m’ont permis de m’épanouir à nouveau au sein d’un établissement scolaire et d’obtenir mon BTS NDRC.
- Anne WATKIN, psychopédagogue et coach scolaire de lateliermarquepage.com qui me permet de m’exprimer sur mon histoire et mon ressenti.
J’ai énormément évolué, je vole de mes propres ailes, je vais à l’école simplement et avec le sourire. Si j’ai réussi avec mon parcours c’est que tout le monde peut y arriver. Pour cela faîtes vous confiance, écoutez ce que vous ressentez et surtout exprimez vous. C’est vrai, peu de gens nous comprennent, peu de gens sont près à nous soutenir. Il est plus facile de de nous ignorer, de nous juger, de critiquer nos actions et ce que l’on ressent. Je sais à quel point on peut se sentir seul, abandonné dans nos difficultés mais parlez, écrivez à vos parents, vos professeurs, des professionnels, vos camarades, vos amis, des personnes en phobie scolaire. C’est en décrivant et en expliquant que vous trouverez des solutions.
Et vous parents qui lisez ce texte ne désespérez pas, faîtes nous confiance, accompagnez nous comme on en a besoin. S’il faut passer par le décrochage quelques jours, semaines ou mois il n’y a pas de mal à ça, on en a souvent besoin pour souffler et mieux repartir. Vous êtes souvent notre pilier, bien qu’on soit dur dans ces moments là, on a besoin de vous et de votre force pour y arriver même si on ne l’avoue pas toujours. Vous non plus vous n’êtes pas seuls, l’association phobie scolaire et ses membres sont là pour vous conseillez et vous soutenir.
Quant à vous, professeurs ne nous jugez pas, je sais que ça peut-être difficile à concevoir mais on le choisit pas, on vous apprécie, on aime apprendre mais des fois on y arrive plus tout simplement et c’est avec votre soutien également qu’on arrive à s’en sortir.
J’espère que mon histoire t’aidera, te parlera et te donnera confiance en tes capacités. N’hésite pas à m’écrire si tu souhaites échanger sur ton histoire ou la mienne, je serai ravie qu’on puisse en parler.
A retenir :
Jennifer n’a pas pu passer son brevet, mais elle a obtenu son bac avec mention et son BTS avec de très bons résultats.
Donc si toi aussi tu n’as pas pu passer cet examen, ne désespère pas, rien n’est perdu.
A vous les parents, dîtes vous bien qu’un examen n’est rien d’autre qu’un jalon d’un parcours scolaire, et qu’il est possible de raccrocher à tous les niveaux. Il existe plein de voies parallèles que vos enfants peuvent prendre, et parfois les petits chemins de traverses sont bien plus riches que les grandes autoroutes.
Gardez confiance, faîtes vous aider et conseiller, ne restez pas isolés !!!
Si vous souhaitez écrire à Jennifer, vous pouvez le faire à gressierjennifer.1@gmail.com, si vous souhaitez me contacter, vous trouverez tous les renseignements ici et ici
N’hésitez pas à me faire part de vos envies de témoignages sur la phobie scolaire ou autre, nous trouverons le moyen de publier vos textes, à vos stylos, claviers etc …
Au plaisir de vous lire !!!
Appel spécifique aux parents, ce serait vraiment intéressant d’avoir vos histoires !